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LE CHAOS PHILOSOPHE de Guy KARL
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2 septembre 2015

Le SPECTRE de FESSENHEIM - IV - Du sécuritarisme

                                                   

 

                                                                      IV

                                                        DU SECURITARISHE

 

 

Pourquoi l'obsession de la sécurité quand tout un chacun, et le pouvoir y compris, sait que la sécurité totale  est impossible? Il est clair que le Bien Public, finalité essentielle du politique, implique la recherche de la sécurité, comme celle de la souveraineté. Pas d'Etat, pas de paix sociale sans sécurité. Mais la recherche légitime de la sécurité n'induit pas mécaniquement le sécuritarisme. J'ai passé de longues années à observer la vie politique, et j'ai longtemps goûté aux commodités d'une société relativement apaisée et séreine. Je constate que le climat sociopolitique s'est considérablement dégradé, qu'une sorte de gangrène ravage l'espace mental collectif, et que nos dirigeants actuels en sont hélas largement responsables : quoi de plus efficace que la peur pour bloquer le changement? Mais ce triste calcul ne conforte que ceux qui s'en servent. La manipulation peut se retourner contre ses agents, et je ne serais pas autrement étonné que le peuple finisse par trouver insupportables les atteintes réitéres à la liberté.

La sécurité ne peut se penser sans le risque. Et sans risque pas de liberté. Et que voit-on? Déjà Foucault et Deleuze, dès 1980, posaient un terrible diagnostic : société de surveillance généralisée. Voyez où nous en sommes aujourd'hui.

La sécurité est un bien relatif. Le sécuritarisme un symptôme. Mais de quoi? D'une culture de la peur. Culture des passions tristes. Doute pathologique, inquiétude diffuse, recherche éperdue de coupables, discrimination, fixation nationaliste et régionaliste, racisme, xénophobie, contrôle, surveillance, mise sous tutelle de la justice, confusion et concentration des pouvoirs, exclusion méthodique des "mauvais citoyens", suspicion, injustice sociale, stigmatisation du pauvre, du chômeur, du "fou", du déviant ou supposé tel, instrumentalisation de l'enseignement, de l'hôpital, des services publics, et pour finir un climat délétère de corruption, une ambiance de fin de règne, une décomposition du lien social.

Le symptôme est une manifestation pathologique de la force, en l'espèce le triomphe des forces réactives. Peur, haine, tristesse, ressentiment, colère : passions tristes au service d'un instinct régressif. Rétrécissement, recroquevillement, conservatisme étroit, refus de toute nouveauté, incompréhension et fixation immobiliste.

De fait on sacrifie délibérément une part de plus en plus considérable de la population aux impératifs d'une croissance exclusivement marchande. L'humanité se meurt. La marché prospère. Et encore, c'est à voir, mais ce qu'on voit croître, pour l'heure, dans le déferlement mondialisé du néocapitalisme, c'est la pauvreté!

Fondamentalement, la domination sauvage, unilatérale, incontrolée des  forces réactives témoigne d'une méfiance viscérale à l'égard de la vie, et des forces actives. Maladie de la puissance, retournement contre soi de la puissance. Mélancolisation. Victoire prévisible de Thanatos sur Eros. Ou, dans le langage d'Empédocle, de la Haine sur l'Amitié.

Que sont les forces actives? C'est la puissance vitale d'affirmation, la capacité créatrice, inventive, féconde, généreuse, prolifique et tourbillonnaire. Pas de vie sans un certain dés-ordre, plutôt, un in-ordre fondatif, une irruption, un jaillissement des forces. Un Apeiron, un "illimité" qui fait naître et croître, une "phusis", une "genesis", une génération d'in-solite, d'in-ouï, voire d'in-intelligible. En grec : A-logos précède, doit précéder Logos. Le Logos est réactif, et d'un réactif tantôt sain et mesuré (Epicure), tantôt totalitaire et mortifère. Le réactif sain se contente de mettre en mesure, en beauté et en excellence ce que la nature a spontanément fait jaillir. Le réactif pathologique prétend tout régir, contrôler, contre-rôler, enserrer dans les mâchoires de la crainte et de la haine. La sagesse, et le juste ordre politique, consistent, non à brider la nature mais à l'embellir en s'y soumettant.

Quand le réactif se déchaîne dans l'orgie mortifère, c'est l'Humanité qui sombre dans l'Hadès.

 

 

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