Le Chant des origines: Chant III, 1
CHANT TROISIEME
1
Qu’il serait doux, quand s’apaise la souffrance de la vie
De mourir tout doucement de sa mort belle,
Ni trop tôt, ni trop tard, quand sonne l’heure,
De glisser sans remords,
Sans haine et sans regret, sans crainte et sans envie,
Serein, joyeux au souvenir des heures fastueuses
Du désir fécondant les vallées de la terre,
Des entretiens nombreux au bocage de l’amitié
De l’allègre, la folle, l’acide volupté,
De la danse d’un esprit libre au-dessus de l’abîme
De l’extase à se perdre étonné au milieu des étoiles.
Puissé-je ainsi comme un vieil Indien des plaines
Sentant venir l’heure dernière,
Laisser femme et enfants, prendre congé, se détourner
Sans un regard en arrière, gravir la colline sacrée
Ramasser des brindilles, de l’herbe sèche
Danser autour du feu en invoquant l’esprit des morts,
Longuement, gravement ;
Puis il se couche sur la terre, et dans le ciel
Dans les circonvolutions des nuages
Il contemple sa vie passée, les chasses innombrables
Il revoit l‘Ours, le ténébreux, qu’il a tué jadis
Les bisons par milliers déferlant par la plaine,
Les graves palabres des chefs de guerre dans le tipi,
Et son cœur se réjouit,
Peu à peu son souffle s’affaiblit, son cœur bat moins vite,
Sa conscience s’endort
Son âme s’affranchit de toutes les entraves
Libre, elle se fond dans la nature immense.