Autoportrait : poésie 10, (suite)
2
Ingrate, fâcheuse vieillesse
Qui de ses griffes d'hydre acerbe nous laboure !
Si en petits morceaux le corps retourne à la poussière
Puisse, d'élan viril, l'esprit qui piaffe et se rebiffe
Tenir un temps le signe haut contre la mort
Dire le vrai, l'impermanent, le nécessaire
Avant de consentir à la rigueur du sort.
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La flèche de la vie court à la cible
Manquer la mort est impossible
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J’abordais les eaux troubles de la quarantaine.
Ce jour-là, en marche vers le parc de la Pépinière, sans prévenir, ce fut un coup, un de ces coups qui vous hachent, un instant, si bref, une suspension, comme un hiatus dans la continuité du temps, éclair zébrant.
Je me vis comme je ne m’étais jamais vu, mais était-ce encore moi, cette béance, pure béance, en négatif, comme un trou dans la rugosité de l’être.
En cet instant précis
Je me vois très exactement
Tel que je suis
Tout nu
Tout cru
Sans fard, sans maquillage
Sans miroir
Sans image, ni de moi, ni d’un autre
Sans nul qui me regarde ou admire ou désire
Sans idée, sans désir, sans personne
Sans passé ni futur,
Sans rien. Il ne reste exactement
- Plus rien.
C’est une étrange chose
Que de se surprendre soi-même en deçà du décor
Coquille vide, absence inexprimable,
Par où s’écoulent toutes les images,
Ne reste alors
Que la forme vide, la violence
Du Temps.
5
Rapidité
Tout est dans la rapidité
Quelques coups de crayon
Et voici un arbre doré de fin d’été
Un écureuil
Un merle et sa merlesse,
Rouges fleurs et buis d’ivoire
L’éclat du jet d’eau coupant le ciel
Des filles qui rient dans la lumière
Je me lave
Je me lave les yeux du coeur
Au ruisseau bleu du petit jour.
6
Elle insiste, elle est chère
Cette voix qui m’intime
De chanter l’éphémère
De chanter la splendeur
La lumière égéenne
l’ivresse et la couleur.
Blanche la voile glisse
La mer céruléenne
Est l’épouse d’Ulysse.