Le Chant des Origines : I, 4
4
Si vite
L'éclair sabre le ciel qu'à peine
On voit des étincelles éparpillées
Sitôt éteintes dans le noir.
Le mont là haut
Tremble sur ses assises, et la pluie
Mêle le ciel à la terre. Sombre
Catafalque. L'orage
Est le maître du temps,
Juste mesure du feu où le dieu
Et l'homme se séparent.
Le tonnerre roule au loin
Comme une armée en marche
Tambours et canons, et l'éclair
Encore en corps d'artillerie fusille
La face obscure de la nuit.
Quelques nuages traînent comme des linceuls
Flottants, comme en attente
Du sacrifice ultime et sombre
Qui prononce l'universel ennuitement
Dans le chaos.
Te plaçant à la fin, tout à la fin,
Tu jugeras plus justement des choses
Voyant l'égalité partout dans la nature.
Le laboureur autant que le riche et le prince,
Et les masures autant que les empires,
Et les étoiles millénaires, par milliards,
Et notre monde autant que les milliards de galaxies,
Tous ils retournent au néant d'où ils ont surgi,
Et d'autres, ailleurs, en d'autres temps
Fleuriront dans l'espace infini.
Ainsi tout naît, tout meurt, tout se transforme,
Et nos amours de même
Ne sont que d'humbles fleurs évanescentes
Que nous choyons de notre soin et de nos pleurs ...
Seule demeure, égale à l'infini,
La Rose impérissable de la vérité.